Rapport : Et si l'Europe sortait grande gagnante de cette guerre commerciale?

Rapport : Et si l'Europe sortait grande gagnante de cette guerre commerciale?
Billet de 100 dollars américains (Benjamin Franklin) en haut à gauche, billet de 100 yuans chinois (Mao Zedong) en bas à droite.

Alors que les marchés boursiers reprennent de l’haleine après la suspension des taxes douanières par le président américain, l’escalade durable entre la Chine et les États-Unis pourrait bien ouvrir la porte à de nouveaux acteurs internationaux. Depuis la dernière bataille commerciale en 2018, la Chine s’est préparée. Loin d’être prise au dépourvu, elle a diversifié ses marchés et réduit sa dépendance vis-à-vis des États-Unis. De 25% d’exportations vers les USA en 2018, elle est passée à 10 ou 15 % aujourd’hui. L’Asie se désolidarise, tandis que les États-Unis restent profondément dépendants en matières premières, composants et minéraux. Dans le sens inverse, la Chine continue d’importer des technologies de pointe venues d’Amérique. Le climat reste tendu, malgré les propos rassurants de Donald Trump sur un éventuel accord avec Pékin. Mais l’OMC est formelle : si le conflit devait se durcir, le commerce entre les deux puissances pourrait chuter de 80 %. Une baisse massive qui mettrait en péril l’accès aux ressources essentielles à l’industrie technologique américaine. Un risque systémique.

Commerce des États-Unis avec la Chine en milliard de dollars

Les importateurs américains sont aux abois. Ils cherchent des solutions, mais vers qui se tourner quand deux titans s’affrontent ? L’Europe, et plus précisément la Suisse, a une carte à jouer. Si elle ose. En contournant les taxes douanières américaines, la Suisse s’expose certes à des répercussions juridiques, mais elle peut aussi transformer ce risque en levier stratégique. Raffiner, transformer, redistribuer. Grâce à son accord de libre-échange signé en 2014 avec la Chine et sa neutralité politique historique, la Confédération pourrait se positionner comme carrefour logistique et technologique entre deux blocs qui ne se parlent plus. L’opportunité est là. Depuis des décennies, l’Europe traîne dans la course aux technologies de rupture. La Silicon Valley a pris trop d’avance. Mais aujourd’hui, les lignes bougent. Le vieux continent peut reprendre du souffle. À condition d’agir avant qu’un accord bilatéral de dernière minute entre Washington et Pékin ne vienne tout refermer.

Pays avec lesquels les États-Unis enregistrent les plus grands déficits commerciaux.

Le climat économique mondial vacille. À l’image de la Banque Nationale Suisse (BNS), visionnaire ou instinctive, qui a récemment abaissé ses taux, d’autres banques centrales suivent le pas. Corée du Sud, Espagne, et bien d’autres débloquent des fonds colossaux pour soutenir leur industrie. Une course contre la montre s’engage, avec en ligne de mire juillet, date à laquelle les taxes douanières pourraient redevenir effectives si aucun accord n’est trouvé. L’Europe réalise peu à peu son extrême dépendance. Cette lucidité nouvelle s’est amorcée avec la guerre en Ukraine, lorsque la Maison Blanche a annoncé une réduction de ses aides militaires. Depuis, les pays européens réarment leurs industries, débloquent plus de 23 milliards de dollars pour soutenir Kyiv et, surtout, cherchent à se réorganiser.

Trump, en reprenant la parole politique et économique, imprime sa marque. Son retour sur le devant de la scène n’a rien de neutre. Dernièrement, il a même été soupçonné de manipulation de marché après un revirement brutal sur les droits de douane. Annoncer des tarifs punitifs puis les suspendre sans justification solide a déclenché une forte volatilité. Certains analystes évoquent l’éventualité de spéculations boursières profitables à des cercles proches de l’exécutif. Ce type d’action fragilise la confiance globale. Dans ce théâtre chaotique, la Suisse pourrait tirer son épingle du jeu en misant sur la stabilité et la clarté. Elle a toujours été perçue comme un pôle de rationalité. Elle peut devenir bien plus : une zone d’arbitrage neutre, d’analyse lucide et de projection stratégique à long terme.

Pour les entrepreneurs suisses, cette séquence mondiale est un révélateur. Le monde change, et les dépendances anciennes deviennent des failles. Les PME industrielles, les startups deep tech et clean tech doivent se réinventer. Diversifier les débouchés, viser l’Asie du Sud-Est, le Moyen-Orient ou certaines régions d’Afrique, tout en consolidant leur ancrage européen devient une nécessité. Investir dans la R&D, proposer des solutions souveraines, innover localement. Le moment est critique, mais il est surtout propice à la relocalisation intelligente et à la montée en gamme.

Le Swiss Market Index, que l'on peut traduire par « Indice du marché suisse », est un indice boursier du marché actions regroupant les 20 principales valeurs du marché suisse cotées à la SIX Swiss Exchange. Affichait une baisse de -5% à la clôture 11.04.2025

Les investisseurs ne sont pas en reste. Volatilité oblige, il faut revoir les portefeuilles. Les secteurs cycliques, exposés à la géopolitique, deviennent plus risqués. Mais les domaines dits défensifs santé, alimentation, infrastructures prennent de la valeur. La chute des marchés n’est pas qu’un problème, c’est aussi une opportunité. Pour les fonds visionnaires, c’est le moment de se repositionner. Pour les particuliers, c’est une invitation à comprendre, à apprendre, à lire le monde. Développer sa culture économique devient une arme de souveraineté personnelle. Savoir où placer son argent, comment l’épargner, dans quelle logique investir, devient un acte citoyen.

Et justement, du côté des citoyens, cette crise agit comme un électrochoc. Elle rappelle à quel point la Suisse est dépendante des décisions prises à Washington ou Pékin. Cette prise de conscience peut engendrer un retour au local, un soutien renouvelé aux circuits courts et aux produits suisses. Elle peut aussi faire naître un nouveau regard sur la résilience : éducation financière, souveraineté individuelle, anticipation, lucidité collective.

Enfin, l’État suisse a un rôle à jouer. Il peut soutenir l’innovation souveraine, investir dans les infrastructures critiques, réorienter la stratégie industrielle vers des secteurs plus résilients. Il peut faciliter les liens entre entreprises suisses et marchés asiatiques, africains ou européens, relocaliser une partie des flux logistiques, offrir un cadre juridique clair et rassurant dans un monde instable. Il peut porter une vision forte de souveraineté économique helvétique.

En somme, cette guerre commerciale entre la Chine et les États-Unis, bien que menaçante, révèle une faille dans le système global. Une faille que la Suisse peut décider de traverser. À condition de le faire vite. À condition de le faire bien. Dans le désordre mondial actuel, c’est peut-être en restant lucide, neutre et ambitieux que la Suisse retrouvera sa place : non pas en tant que suiveuse, mais en tant que force de proposition au cœur d’un nouvel équilibre global.

Références :

  • Le Monde, "Donald Trump accusé d'avoir manipulé Wall Street, les démocrates réclament une enquête sur de possibles délits d'initié", 10 avril 2025.
  • RTS, "Donald Trump accusé de manipulation boursière et de délit d'initié", 10 avril 2025.
  • France 24, "Droits de douane : après le revirement de Donald Trump, des sénateurs exigent une enquête", 12 avril 2025.​
  • The Times, "Senators call for insider trading investigation after Trump's post", 10 avril 2025.​
  • Time, "Adam Schiff Calls For Insider Trading Investigation into Trump Over Tariff Pause", 10 avril 2025.​
  • The Guardian, "US markets close with steep losses as Trump tariffs branded 'worst self-inflicted wound' by a successful economy", 10 avril 2025.​
  • Le Figaro, "Donald Trump a-t-il commis un délit d'initié avec sa volte-face sur les droits de douane ?", 10 avril 2025.​
  • (OMC), "Qu'est-ce que l'OMC ?", consulté en avril 2025.​
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